Association
Enseignement Public et Informatique (EPI)
A
lâoccasion de la journĂ©e du 14 juin lâEPI tient Ă vous
remercier pour le soutien que vous lui avez apporté au cours de la
dĂ©cennie 80. Sans cette aide soutenue et sans faille lâassociation
ne serait pas devenue cette association dont le rĂŽle dans le
dĂ©ploiement de lâinformatique dans le systĂšme Ă©ducatif est
largement reconnu.
Nous
aimerions évoquer ici quelques souvenirs toujours dans la mémoire
de celles et ceux qui vous ont connu Ă cette Ă©poque pionniĂšre oĂč
se mettait en place Ă la fois lâintroduction dâun enseignement
optionnel de lâinformatique au lycĂ©e dâenseignement gĂ©nĂ©ral et
lâutilisation de « lâoutil » informatique dans les
différentes disciplines (en prolongement de la décennie 70).
Le
rapport Pair-Le Corre, en 1981
Ce
fut dâabord la
mission dâĂ©tude que vous avait confiĂ©e,
ainsi quâĂ Yves Le Corre, le ministre Alain Savary. Lâun dâentre
nous se souvient des rencontres que nous avons eues avec vous. Nous
Ă©tions tous convaincus quâil fallait relancer et amplifier les
formations « lourdes »,
dĂ©marrer lâoption informatique des lycĂ©es (qui avait Ă©tĂ©
proposée par Jacques Arsac au directeur des lycée Jean Saurel) et
donner les moyens Ă la recherche pĂ©dagogique dans des domaines oĂč
tout était à inventer
Votre rapport sera remis au ministre le 15 octobre 1981. Vous lâĂ©voquez quelques annĂ©es plus tard lors de l'assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de la rĂ©gionale EPI-Alsace, en mars 1987 :
« DÚs
1981, on rétablit donc les stages d'un an, et progressivement on les
étend à un centre par académie. On organise des équipes
académiques de formateurs qui existent encore aujourd'hui. Nous
avions aussi recommandé, entre la formation d'un an pour les
formateurs et les concepteurs de logiciels d'une part et une
formation légÚre d'une centaine d'heures pour les utilisateurs, une
formation intermédiaire à l'animation, mais cela n'a pas vu le
jour. Nous avions aussi insisté sur le fait que les projets devaient
venir des établissements. Il ne s'agissait pas de parachuter cette
informatique, c'est-à -dire qu'il fallait que les établissements
sachent ce qu'ils voulaient faire de leur informatique. C'est donc en
fonction de tels choix qu'une formation devait ĂȘtre diversifiĂ©e,
par exemple, sur 100 heures, 50 heures communes et 50 heures plus
modulaires.
Nous
avons aussi essayé de désamorcer cette fameuse querelle « est-ce
que l'Informatique est une discipline ou un outil d'enseignement ? »
en disant « cela doit ĂȘtre l'un et l'autre ; il faut que
l'un appuie l'autre ». Du cÎté d'une informatique-discipline,
on a créé une option informatique en classes de seconde, premiÚre
et terminale, qui est pilotée par un Comité scientifique National.
Nous avons également recommandé d'introduire l'informatique à tous
les niveaux de l'enseignement du second degré, en particulier dans
les LEP qui n'en avaient pas bénéficié jusqu'à cette époque nous
avons Ă©tĂ© plus prudents quant Ă l'introduction de l'informatique Ă
l'école primaire. »
Ce
rapport est en ligne sur le site de lâEPI, on peut lire en
introduction :
«L'informatique
est à la fois une technique, un phénomÚne de civilisation, un
outil d'enseignement, une science autonome et formatrice.
Si
le fait qu'elle est une technique justifie l'existence de classes
destinées à préparer certains élÚves aux professions qu'elle
ouvre, il faut que tout élÚve se soit trouvé à son contact
pendant sa scolarité, pour qu'il puisse dominer ce phénomÚne de
civilisation, qu'il ait pu poser les questions nécessaires à sa
compréhension et recevoir des réponses suffisantes.
Ce
contact peut se faire Ă l'occasion de l'emploi de l'informatique
comme outil d'enseignement, qu'il s'agisse d'enseignement assisté
par ordinateur, de développement des capacités logiques par
diverses formes de programmation ou de documentation automatisée. On
peut penser qu'il faudra dans les années à venir aller plus loin et
introduire une véritable discipline informatique pour les élÚves.
Ce point étant encore controversé, nous avons proposé l'ouverture
d'un nombre limité d'options informatiques, dans des conditions qui
permettront de tirer des conclusions des résultats obtenus. »
Sur
le site de lâEPI se trouvent Ă©galement des articles dans lesquels
vous traitez de programmation ou plus exactement de son apprentissage
par les plus jeunes. Vous soulignez
que la programmation est un savoir-faire qu'il faut acquérir. Comme
pour tous les savoir-faire doivent ĂȘtre associĂ©s des savoirs, en la
circonstance des savoirs informatiques. Mais si leur connaissance est
indispensable pour acquérir une méthode de programmation, elle ne
suffit pas. Ainsi, vous mentionnez notamment une originalité de
l'activité de programmation, qui a des implications pédagogiques :
son résultat n'est pas seulement un programme. Il faut rendre
celui-ci communicable et pour cela l'accompagner d'un dossier qui
explique au mieux comment le programme a été obtenu.
Alors,
comment acquérir ce savoir-faire de la programmation ? Dans votre
article « L'apprentissage
de la programmation
» vous apportez
réflexions et réponses. Nous
nous en sommes inspirés.
Vous
succédez à Jean Saurel à la direction des lycées en 1981
Vous
créez le Comité scientifique national (CSN) présidé par André
Danzin, prĂ©sident de lâAFCET, lâEPI y sera reprĂ©sentĂ©e par son
secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral. Ce comitĂ© assure le suivi de lâoption
informatique qui démarre à la rentrée 81 dans une douzaine de
lycées.
LâEPI
vous rencontre réguliÚrement pour
faire le point sur les difficultés des enseignants aussi bien dans
la pratique de lâoutil dans les disciplines (EAO) que dans
lâenseignement de lâoption informatique, sur
la formation des enseignants,
les matériels, les décharges de service indispensables ...
En
accord avec le
CSN, lâassociation propose en 1982
lâextension du nombre de lycĂ©es expĂ©rimentaux et
une épreuve orale au baccalauréat portant sur le programme mais
aussi sur le projet rĂ©alisĂ© pendant lâannĂ©e de terminale,
Dans
une note aux
recteurs (mars 1983) vous annoncez lâextension de lâoption
informatique à la classe terminale dans les 12 lycées expérimentaux
et la généralisation de son ouverture, dans la mesure du possible,
aux élÚves de seconde.
Le
grand colloque 1983 organisé par le MEN en
collaboration avec lâEPI
Vous
avez acceptĂ© dâanimer la
table ronde n°5 « Informatique
et culture générale. Quelle
place donner Ă l'informatique dans
la
formation générale ?
» DĂšs lâintroduction vous
déclarez :
« Il
[le
sous-titre de la table ronde]
fait
écho
à la visée des pionniers de l'entrée de l'informatique dans
lâĂducation
nationale,
en 1970 : il s'agissait alors d'introduire l'informatique dans
lâenseignement
secondaire général (au sens de non-professionnel). Donc dÚs
lâorigine,
c'est bien la formation générale qui était visée.
Cependant,
en mĂȘme
temps, le choix Ă©tait fait de ne pas considĂ©rer lâinformatique
comme une nouvelle discipline, au mĂȘme sens que l'histoire ou la
physique
par exemple. Cela
a peut-ĂȘtre
conduit, au fil des ans, à trop réduire l'informatique au rÎle
dâun
outil d'enseignement, ce qui était sans doute une déviation par
rapport Ă
lâidĂ©e initiale.
C'est
vrai que l'informatique est d'abord un outil, une technique. Et un
outil nâa
pas,
la plupart du temps, Ă
figurer dans la formation gĂ©nĂ©rale, mĂȘme si c'est un outil
de formation
(on n'enseigne pas, par exemple, l'imprimerie, en dehors de cours
professionnels spécialisés).
Seulement,
voilĂ ,
pour l'informatique, il s'agit d'un outil « universel », ou en tout
cas qui est utilisé dans des domaines trÚs nombreux et trÚs variés
et, Ă ce titre, elle
a sans doute
sa place dans une formation générale qui - tentons-en une
définition
- doit développer les capacités utiles à tous les jeunes, et
notamment Ă leur
vie personnelle et Ă leur insertion sociale, permettre une
orientation professionnelle
et fournir les bases sur lesquelles pourra ĂȘtre construite une
qualification.»
et
quelques lignes plus loin :
« Lâinformatique
nâest pas seulement un outil et un objet dâenseignement, selon
une distinction et une opposition trop classique, mais un fait de
civilisation gĂ©nĂ©rateur de nouveaux objectifs dâenseignement »
DâoĂč
lâimportance de la
recherche pĂ©dagogique. Il est trĂšs important quâune nouvelle
discipline comme lâinformatique rĂ©flĂ©chisse Ă ce quâelle peut
apporter aux élÚves et dans quelle mesure elle peut permettre de
lutter contre lâĂ©chec scolaire « besoin
primordial de notre enseignement ».
Ce
que lâinformatique apporte de plus, câest la nĂ©cessitĂ© de
réfléchir à la pédagogie et de diversifier les démarches dans
les différentes disciplines et activités. « On est gagnant
si on invente des situations pédagogiques nouvelles »
dites-vous dans votre intervention lors de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale
de la régionale EPI-Alsace en mars 1987.
LĂ
encore nous sommes pleinement en accord avec vous.
Les
colloques francophones de didactique de
lâinformatique.
Dans
le premier colloque francophone de didactique de lâinformatique
co-organisĂ© par lâEPI et lâAFIT qui sâest dĂ©roulĂ© Ă
lâuniversitĂ© RenĂ© Descartes (Paris) les
1, 2 et 3 septembre 1988, vous avez fait une brillante
intervention sur « Lâapprentissage de la programmation ».
Dans votre allocution de clĂŽture oĂč vous reprĂ©sentiez Lionel
Jospin, ministre de lâĂducation nationale, vous vous ĂȘtes
fĂ©licitĂ© de « lâosmose entre lâenseignement supĂ©rieur
et la recherche dâune part, lâenseignement primaire et secondaire
dâautre part ». Vous avez soulignĂ© Ă juste titre que
lâaspect scientifique dâun tel colloque permet de dĂ©passer les
querelles qui resurgissent
pĂ©riodiquement entre lâinformatique outil ou objet dâenseignement,
discipline ou non !
LâEPI
qui prÎne depuis sa création la « complémentarité »
des approches de lâinformatique approuve sans rĂ©serve.
Mais
lâĂ©volution de la sociĂ©tĂ© et de lâĂcole
vous inquiĂštent.
Dans votre conférence
au dernier colloque de l'AFDI
Ă Monastir en 1996 : "L'informatique science humaine
ou inhumaine ?" vous vous
montrez préoccupépar
la croissance des inégalités et le morcellement de la société.
LâĂ©cole saura-t-elle y
faire face ? Quel peut
ĂȘtre le rĂŽle de lâinformatique ? Le
dernier mot de votre
intervention est le mot "éthique".
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Nous
savons par les échanges que nous avons eus et la lecture de vos
écrits que vous avez toujours été préoccupé par le fossé que
lâinformatique crĂ©e entre les plus faibles et celles et ceux qui
se meuvent plus aisĂ©ment dans lâabstrait. Il faut veiller Ă ce
que lâĂ©cole nâen rajoute pas. Travailler Ă la rĂ©ussite des
plus modestes
a toujours été votre priorité notamment à la Direction des
lycées.
LâEPI
qui, depuis sa crĂ©ation en 1971, veut faire de lâinformatique et
des technologies de lâinformation en gĂ©nĂ©ral un facteur de
progrÚs et un instrument de démocratisation ne peut évidemment que
se sentir en plein accord.
Plus
généralement, dans votre livre « Rue du bac, une nouvelle
donne pour lâĂ©cole », vous vous penchez sur le
fonctionnement inĂ©galitaire de lâenseignement en France qui ne
permet pas lâĂ©panouissement des capacitĂ©s de tous et risque de
favoriser un « éclatement de la société entre les
dirigeants, les exécutants et les assistés ». Vision
lucide sâil en est.
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Ce
ne sont que quelques souvenirs auxquels nous tenons et lâoccasion
de vous remercier encore pour vos actions en faveur du déploiement
de lâinformatique sous ses diffĂ©rentes formes dans lâenseignement.
LâEPI
continue Ă militer, Ă presque cinquante ans dâĂąge, pour la
formation par lâĂducation nationale des jeunes gĂ©nĂ©rations Ă la
science et technologie informatique et Ă ce quâon appelle
maintenant le numĂ©rique. Avec dâautres, elle a obtenu des
créations qui, si elles ne nous satisfont pas complÚtement, sont
néanmoins des avancées importantes.
Et
lâassociation nâoublie pas le rĂŽle des pionniers. Elle sâemploie
dans ses publications Ă leur rendre justice.
Jean-Pierre Archambault
PrĂ©sident de lâEPI
Jacques Baudé
PrĂ©sident dâhonneur
pour le Bureau national
Paris, mai 2019
La
premiĂšre version du florilĂšge (27 contributions) est en ligne Ă :
http://lesquere.fr/pair/FlorilĂšge_Claude_Pair-v5.pdf